La Voulte sur Rhône

église Saint-Vincent

1/   Historique de la construction :

Au début du XIXème siècle, le nombre de fidèles  se trouve fortement accru par l’arrivée massive de personnel employé tant aux Mines de la Boissine qu’aux Fonderies, installées dans l’actuel parc Baboin-Jobert. La population passera ainsi en peu de temps de 2000 à plus de 3000 habitants.

Ensuite, l’état de l’église romane, alors fort délabrée, et les réparations qui s’avéraient nécessaires (dont une menace d’effondrement de la voûte) et auraient grevé le budget paroissial. L’État, représenté par le préfet de l’Ardèche, Léon Chevreau, refuse d’engager le moindre centime. Il faut donc trouver une solution … locale.

Ce sera finalement la volonté conjuguée de la municipalité (elle donnera le terrain en cédant le vieux fort de la Bistour, lui-même en mauvais état), et de la « Compagnies des Fonderies de Terrenoire, La Voulte et Bessèges » (elle financera les travaux), qui permettra la construction d’une nouvelle église paroissiale dont la 1ère pierre sera posée le 22 septembre 1856  par le maire, Louis Vautro, lui-même directeur des Fonderies, et le curé-archiprêtre, monsieur Armand.

Elle sera consacrée le 11 septembre 1859 par Mgr Delcusy, évêque de Viviers (de 1857 à 1877), accompagné de Mgr Lyonnet, évêque de Valence (de 1857 à 1864), et de Mgr Lamouroux de Pompignac, évêque de St Flour (successeur du précédent de 1857 à 1877).

Des plaques  commémoratives en marbre blanc sont fixées sur les piliers du transept et des croix de consécration sont peintes sur chacune des colonnes de l’édifice.

Les archives signalent que le Conseil de Fabrique – organe de gestion des paroisses institué par le Concordat de 1801- dans sa séance du 5 juillet 1857 déclare « qu’il ne peut contribuer en rien et pour rien (sic) dans la construction entreprise, ses ressources ne suffisant pas même pour l’entretien du culte ».

Réalisée en belles pierres de taille, elle sera vite rougie par l’oxyde de fer des Fonderies, comme toutes les maisons de la ville : « on les dirait badigeonnées avec du sang », dira même Albert du Boys en 1846. Implantée sur le rocher lui-même,  elle s’encastre dans les vestiges de l’ancien Fort dont subsistent encore quelques murs, place du Jeu de Paume.

Le style choisi par les commanditaires fut le néo-roman, avec des lambrequins sur la façade, un clocher à fenêtres géminées aux 1er et 2ème niveaux, puis trilobées au 3ème niveau, ce qui lui donne un air de campanile florentin. Le tympan du porche d’entrée reprend les formes de celui du vieux temple déserté : un arc double supporté par des colonnes jumelles à chapiteaux sculptés.

L’édifice est en forme de croix latine et se compose d’une nef centrale et de deux nefs latérales, avec un transept séparant ces trois nefs du chœur qu’on peut estimer un peu réduit par rapport à l’ensemble de l’édifice.

De chaque côté du tambour d’entrée, deux chapelles. L’une accueille les Fonts Baptismaux, abritant une scène du Baptême du Christ en albâtre, et une croix de procession d’époque Restauration, l’ensemble provenant de l’ancienne église St Vincent. Le portail en fer forgé porte à son sommet l’inscription latine : « fons irigo salutis » (Cette fontaine est la source du Salut). L’autre chapelle servait pour les messes de semaine, depuis les années 1970.

Le dallage à cabochons en pierres de Viviers se substitue au béton initialement prévu dans le cahier des charges.

La façade comporte également une horloge, comme l’ancien fort que l’église a remplacé.

2/   Mobilier de l’église :

Il est constitué à la fois d’emprunts à l’ancien lieu de culte, et de dons, mais on regrette, déjà à l’époque, qu’un inventaire régulier ne soit pas tenu à jour par le Conseil de Fabrique, propriétaire de l’édifice (il deviendra communal en 1905).

On récupère donc la cloche de l’ancienne église, refondue grâce au duc d’Aumale, fils de Louis-Philippe, qui donna 300 francs, et celle de l’ancien beffroi de la Bistour. Les deux autres cloches ont été offertes, l’une par les Fonderies, l’autre par les fidèles.

Quelques objets d’art furent aussi transportés d’un bâtiment à l’ autre :

  • dans le tambour, le bénitier à piètement en balustre (XVIIème).
  • de chaque côté du tambour, deux statues, de dimension modeste, en tilleul peint et doré, représentant des saints liés aux activités voultaines de l’époque : St Nicolas, patron des mariniers, et St Eloy, patron des métallurgistes.
  • dans le chœur, le tableau figurant Anne de Lévis-Ventadour et sa femme, Marguerite de Montmorency, en prière sous la représentation de l’Assomption de la Vierge (dont le dogme ne sera proclamé qu’en 1950, par le pape Pie XII).
  • Le bas-relief en marbre du maître-autel, figurant « la Déploration du Christ » et inspiré d’une scène identique, en bronze, de Germain Pilon (1528-1590), sculpteur représenté au Louvre. Il figure la descente de croix au soir du Vendredi Saint et représente, autour du Christ, Marie, sa mère, Marie-Madeleine, reconnaissable à son abondante chevelure, et une des femmes présentes au pied de la Croix. Le sculpteur, inconnu, a su remarquablement mettre en valeur des éléments anatomiques (chevelure, musculature de Jésus, visages en pleurs) et vestimentaires (drapé des tissus). On pense à Michel-Ange et au courant maniériste, auquel se rattachent ces deux artistes, et qui caractérise le décor de la Chapelle castrale (dite « des Princes »).

Les deux éléments sont classés Monuments Historiques depuis 1903. Ils figuraient auparavant dans la Chapelle des Princes.

  • enfin, la chaire d’époque Louis XV, en noyer sculpté, chef d’œuvre d’ébénisterie XVIIIème (reléguée depuis les années 80, dans le transept gauche).

Les autres éléments du mobilier proviennent en partie d’un prêt de Monsieur Armand, curé, au Conseil de Fabrique, pour la somme de 2342,60 francs. Purent ainsi être acquis :

  • les 3 autels (majeur, de la Vierge à l’Enfant, de St Régis) exécutés par monsieur Ferlin, marbrier de Valence. Ils représentent, l’un le bas-relief dont il a été question plus haut, encadré de chaque côté, de deux personnages en habits liturgiques médiévaux : un évêque coiffé de sa mitre, et un Pape reconnaissable à sa croix tridentine, l’autre trois des litanies de Marie, à savoir : rose mystique, tour de David, arche d’Alliance, le troisième enfin une draperie mérovingienne. Actuellement son tabernacle conserve la Sainte Réserve et la statue de St Régis a été déplacée dans le transept droit). Il est surmonté d’un remarquable Crucifix XVIIIème en noyer.
  • le chemin de croix (14 stations), œuvre des ateliers Migne d’Avignon.
  • les statues en tilleul peint et doré, des autels latéraux (Vierge à l’Enfant et St François Régis, patron du Vivarais), le tableau de St Vincent (patron de la paroisse et du diocèse de Viviers) avec la palme du martyre, revêtu, comme diacre, d’une dalmatique et peu visible, dans le transept gauche), bénis, eux, le 20 novembre 1859.
  • la boiserie du chœur, exécutée sur les conseils de monsieur Eugène Molière du Bourg, membre du Conseil de Fabrique.
  • enfin des livres liturgiques et des meubles « de première nécessité », comme le beau fauteuil Napoléon III du célébrant, dont l’envers du dossier représente les armoiries papales : tiare et clefs de St Pierre (on est alors en pleinultramontanisme).

Monsieur Montusclat, curé (1824-1885) fit placer les confessionnaux, les deux autels du Sacré-Cœur (dévotion développée après la guerre de 1870) et de St Joseph (dévotion encouragée par les Encycliques papales), qu’il consacra le 20 octobre 1878, ainsi que le tambour d’entrée.

Monsieur Allignol, son successeur, acheta le tableau de l’adoration des Mages, belle copie de Rubens (original au Louvre) et fit réaliser les retables au-dessus des autels sus-nommés.

A cette époque fut offerte la crèche biblique de l’église, réalisée en Avignon et d’une remarquable facture.

D’autres éléments furent offerts par des voultains au moment de la construction :

  • les lustres à pendeloques par les mariniers (qui firent graver une ancre de marine sur certains cristaux).
  • la statue de Ste Barbe, patronne des mineurs, très nombreux alors à La Voulte (bois doré).
  • les chaises (disparues aujourd’hui, marquées LA VOULTE au fer rouge sur le dossier) remplacées par des bancs dans les années 50.
  • les portes des sacristies, en noyer d’époque Renaissance, provenant du Château et classées Monument Historiques. Elles représentent des panoplies d’armes du XVIème siècle (hallebardes, épées, morion, boucliers, masse d’arme).

Ces deux derniers éléments furent offerts par les Fonderies.

  • la lampe du St Sacrement et les vitraux  sont des dons de familles de la ville (ceux de la tribune, soufflés lors du bombardement d’août 1944, ont été remplacés après-guerre et ceux du chœur, déposés dans les années 80, figuraient St Jean, St Pierre, et St Paul).

La  garniture du maître-autel (croix et six candélabres en bronze doré) fut remplacée après-guerre par des objets équivalents en bois. Elle avait une illustre provenance puisque offerte par l’impératrice Eugénie à l’occasion de la construction de l’église.

Les curés successifs achetèrent ou commandèrent d’autres décors : statues en terre cuite (St Curé d’Ars, St Antoine de Padoue, Ste Thérèse de l’Enfant-Jésus, Vierge de Lourdes, et une version peu connue de Ste Jeanne d’Arc, sculptée par André Besqueut en 1912, toiles de la Passion dans le chœur, et du Sacré-Cœur adoré par les anges dans le transept droit.

Notons, enfin, que la Chapelle « des Princes », d’époque gothique, dans l’enceinte du Château, mérite aussi une visite, en particulier pour son décor intérieur, de style maniériste (début XVIIème).

La chapelle St Michel a été construite en 1965, au nord de la ville, quartier Hannibal.

 d’après Philippe BRUN